La vie d'un migrant piémontais en Provence

PIERRE LE MIGRANT

Danielle BAUDOT LAKSINE



En terroir Grassois, aujourd'hui comme autrefois, une poignée d'irréductibles résiste encore, mais les dangers de l'an deux mille sont plus grands que ne le furent, en d'autres temps, les agressions Sarrasines...

Armés d'une rose de mai, d'une tubéreuse ou d'un brin de jasmin, d'un jardin de potage, de quelques moutons et chèvres, du don de lever le coup de soleil et par dessus tout de l'amour immense et du savoir de la Terre, ils boutent encore hors leurs champs et de leur civilisation les troupeaux de bulldozers et bétonnières qui, ayant achevé de casser le dernier rocher, de cimenter l'ultime lambeau de plage montent à l'assaut de leurs olivettes... Ils ne sont ni des éleveurs, ni des agriculteurs mais des bergers, des paysans. Ils s'appellent Pierre, François, Marguerite, Gaby, Rita, Jean, Joseph, Marius, Mylène ou autres Maurice et Tant'Anna, et grâce à eux notre région conserve encore son âme.
Pour combien de temps ?

Car plus nos restanques se peuplent, plus ils se sentent isolés, mais ne les imaginez pas humbles, car ils sont fiers de la qualité de leur vie, fiers de ce qu'ils ont accompli. Ils pastent, tournent la polenta, hument avec bonheur la senteur du dernier jasmin, taillent l'ultime rang de vigne, descendent au cannier de la Brague couper des cannes que personne ne leur dispute plus. Ils ne gaspillent pas un trognon de chou, pas un croûton de pain. Leurs enfants ont quitté la terre mais qui sait, les petits enfants, un jour peut-être, retrouveront les gestes qui sont ceux du salut...

Essayez donc d'expliquer notre époque à Gaby, Sauveur, Philibert ou Aurélie, cette période étrange où les enfants savent tout des dyplodocus et des zéphyrodons mais ignorent la différence entre une chèvre et un mouton, où l'on fait "de l'exercice" au lieu de manier utilement un outil, où l'on demande à la nourriture d'être maigre, où l'on est toujours trop pauvre ou trop occupé pour faire des enfants, où l'on se drogue pour dormir, drogue pour se réveiller, où l'on achète avec les yeux, et non au goût, cultive des arbres et des fleurs stériles, promène des animaux oisifs et où l'on demande aux hommes, comme un devoir civique, de travailler moins, de consommer plus, bref, où toutes les valeurs sont à l'envers...

On vit un temps désordre, m'a dit Marius Lou Borgne.
Et à l'ode d'Horace:

"Déjà les édifices somptueux ne laissent qu'un faible espace au soc agriculteur. De tous côtés s'étendent des bassins plus spacieux que le lac Lucrin; le platane, orgueilleux de son célibat, remplace l'utile ormeau, les berceaux de myrte, la violette et mille touffes de fleurs embaument les lieux où naguère l'utile oli-vier enrichissait un autre maître"
répond en écho, deux mille ans plus tard, celle de Tant'Anna:
“Ils sont venus fous, ils gaspillent tout... On avait des bons bassins pour l'arrosage, à la place ils font des piscines pour se baigner tout nus, ces sans vergogne, et ils usent l'eau de canalisation pour arroser des arbres et des fleurs qui donnent pas un fruit, de l'herbe qui nourrit pas une bête. Sur les plus bonnes terres ils arrachent les oliviers et plantent plus que du béton !”

Ah, comme je voudrais être capable de rendre un jour à chacun d'eux, en écrivant son histoire, l'hommage qu'il mérite , mais en attendant je vous raconterai celle de Pierre le Migrant et d’Olga de Perugia...


La montée vers l'herbe


Ce volume retrace la vie de Pierre depuis sa naissance à Valbonne jusqu'à son mariage avec Olga, vie dure d'un enfant engagé comme "chien dans la montagne", survie dans un bataillon disciplinaire pendant la guerre de 14, dur travail de faucheur après la guerre,etc.


La Bastide des espoirs


Pierre a enfin sa ferme, celle dont rêvait son père, mais, illettré, ne sachant se défendre contre des héritiers peu scrupuleux, il la perd et Olga va l'aider à surmonter sa dépression. Ils s'installeront à Châteauneuf, où malgré les difficultés, vont réussir à gagner décemment leur vie par leur travail .


Olga de Perugia


La vie d'une femme généreuse, travailleuse, dont le drame fut de ne pas avoir d'enfant. Née en Italie, elle fuit le fascisme avec sa famille pour s'installer à Plascassier avant de rencontrer Pierre.