PIERRE LE MIGRANT
Tome 2 : La bastide des espoirs
Danielle Baudot Laksine
Dessins de Danielle Baudot Laksine et Pascal Baudot
PIERRE LE MIGRANT
Tome 2 : La bastide des espoirs
Danielle Baudot Laksine
Dessins de Danielle Baudot Laksine et Pascal Baudot
Dans le premier tome "La Montée vers l'Herbe", tout en gaulant, piochant, plantant, semant, taillant et pestant contre le chimique et l'eau de canalisation, se moquant des gens de ville et de bureaux qui ne savent même pas planter une salade, au long de six chapitres , Pierre le Migrant, Piémontais né à Valbonne en 1899, revit sa jeunesse.
Son enfance paysanne marche de Provence en Piémont, à la suite d'un père qu'habite un rêve obsessionnel: gagner deux mille francs afin de louer une ferme. Ainsi, de Valgrana à Valbonne, Grasse, Vallauris ou Opio, va et vient la vie de la famille, au gré des travaux saisonniers et de la location puis de la perte, faute de savoir la travailler sans patron, de la ferme tant désirée.
Pour accumuler ces indispensables deux mille francs, le père laissera mourir de faim quatre de ses enfants, mettra les autres au travail à trois ans, louera Pierre à huit comme "chien" de troupeau, dans la montagne.
Mais à la faim, au froid, à la solitude puis à la guerre de quatorze, Pierre opposera sa fureur de vivre, son intelligence, sa volonté de s'instruire, de tout apprendre, tout comprendre. Faute d'avoir eu droit aux bancs de l'école, il apprendra la Terre en écoutant les Anciens, il comprendra les moeurs des hommes en observant celles des moutons et des chiens de troupeaux, il saura tuer pour survivre, puis découvrira la tendresse auprès des putanes de Grasse et enfin l'amour, avec Olga de Perugia.
"Olga, quand je l'ai rencontrée, elle avait vingt ans et elle cueillait la fleur à Opio".
Il l'épouse, mais à peine avalés les gnocchis du dîner de noce, la quitte pour aller faucher depuis Antibes jusqu'à Allos, en montant vers l'herbe. Eh puis un soir, arrivé si haut "qu'au dessus y a plus que les étoiles", il s'arrête soudain au beau milieu de l'herbage, s'appuie sur le manche de la faux, réfléchit bien...
— “Tu vas travailler encore longtemps comme un couillon à engraisser les patrons ?”...
Et il redescend au Poudeirac, car en lui vient de germer et se met à grandir le "rêve de l'héritage", ce rêve de ferme qui, après avoir rongé son père, habitera désormais chaque instant de sa vie.
Mais ceci est une autre histoire, et de juillet à décembre et de ferme en ferme, voici la marche de Pierre le Migrant et Olga de Perugia vers...
LA BASTIDE DES ESPOIRS
Quelques extraits :
La polenta, y a rien de tel pour faire un homme costaud.
C'est comme pour les cochons ; si on les engraisse qu'à la polenta, les cochons, comme ça, ils viennent durs comme ça ! Le roi et le pape les prenaient tous Vénitiens, leurs cuirassiers, tous des costauds nourris qu'à la polenta...
Mes lapins, ils étaient si galupes que quand je leur portais à l'herbe, je restais pas les regarder manger... Je me levais vite de là de peur que tout à l'heure ils me mangent moi !
Ils bitonnent et ils goudronnent que tout à l'heure Cannes y touche Grasse, mais ça peut pas durer, enfin, et un jour les hommes ils casseront toutes ces saloperies de goudron et de biton et ils iront les jeter à la mer pour retrouver la Terre, et ils voudront recommencer d'y semer, d'y planter, d'y faire donner de la nourriture, mais ils sauront plus ! Ils auront laissé partir les anciens sans y demander comment faire et la Terre, de toute manière,elle acceptera plus de se fatiguer pour eusses...
....Mes sous je les mettais pas à la banque, que les banquiers c'est tout des voleurs...J'agrandissais mon capital. J'avais trente-deux vaches et tout des outils impeccables, j'étais le plus riche d'Andon..
Vous mettiez un gros morceau de bois à pas trop vite, que ça reste un petit feu, vous laissiez cuire là-dedans quand vous alliez travailler au jardin et même pas besoin d'y surveiller alors que maintenant, avec le gaz, si vous êtes pas là tout se brûle. Une fois, j'avais laissé des pigeons à cuire sur le gaz et j'étais parti piocher, eh bien de retour je les ai retrouvés noirs... Ah, le gaz, on rate tout là-dessus.
Ah, je me fais vieux...
Maintenant je me lève à l'heure des riches et je descends travailler au jardin que c'est passé huit heures !
De mémoire de la semaine dernière j'en ai pas plus qu'une lièvre et des fois y faut que je soulève le couvercle de la pignate pour voir ce que je suis en train de cuisiner mais alors, la mémoire de dans le temps...
Tout, je me rappelle de tout !